đ± Fin du SALARIAT ou fin du TRAVAIL ?
Explosion des travailleurs indépendants, montée du freelancing, du polytravail et émergence de l'IA, les modÚles de travail traditionnels sont bouleversés
Pierre Gaubil (aka El Profesor), Flavie Prevot et Stephane MALLARD ont dĂ©battu avec moi pendant plus d'une heure Ă tel point quâon s'est posĂ© la question de savoir si nous nâĂ©tions pas en train dâassister Ă fin du TRAVAIL !
Un sujet toujours sensible
Visiblement on a touchĂ© un nerf sensible avec cet Ă©pisode comme en tĂ©moigne le nombre de commentaires reçus sur YouTube ou Linkedin. Parler du travail et imaginer que le sacro-saint modĂšle du contrat de travail puisse ĂȘtre remis en cause est visiblement tabou en FranceâŠ
Pourtant on observe de plus en plus de professionnels et de particuliers ayant un savoir-faire utiliser dĂ©sormais les outils technologiques et les plateformes, pour vendre leurs services. Cette tendance annonce-t-elle la fin du salariat et une forme de rĂ©-appropriation par lâindividu de la valeur crĂ©Ă©e ?
Dans le secteur des services aux particuliers, câest clairement le cas. Nous sommes dorĂ©navant entrĂ©s dans l'Ă©conomie Ă la demande, caractĂ©risĂ©e par des prestations de service sur mesure et surtout instantanĂ©es. C'est le consommateur qui dicte cette Ă©volution, il veut tout, tout de suite, comme sâil appuyait sur un bouton.
Dans le mĂȘme temps, depuis 10 ans le nombre de gens qui quittent leurs jobs Ă exploser. Le nombre dâentrepreneurs, solopreneurs ou freelancer ne cesse dâaugmenter.
En 2022, lâUrssaf dĂ©nombrait 1,9 million de travailleurs indĂ©pendants « classiques » â un chiffre stable depuis 2010 â et 2,4 millions dâauto-entrepreneurs, en hausse dâenviron 292 % depuis 2010.
On a lâimpression aujourdâhui que ce nouveau modĂšle est devenu la panacĂ©e (moins de contraintes, plus de variĂ©tĂ© de projets, plus de flexibilitĂ©, digital nomadismâŠ) et que tout le monde rĂȘve de devenir indĂ©pendant Ă tel point que StĂ©phane envisage dans lâĂ©pisode carrĂ©ment la fin du salariat classique.
Vision Utopique ou Réalité Imminente ?
Quand on Ă©coute les invitĂ©s, on a l'impression d'ĂȘtre face Ă une vision utopique oĂč la sociĂ©tĂ© cherche toujours plus de libertĂ© sans renoncer Ă son confort bourgeois. Les salariĂ©s demandent moins de contrĂŽle de la part de leur employeur, plus de sens dans leur travail et des salaires plus Ă©levĂ©s.
Cette formule semble pourtant incompatible avec le modĂšle capitaliste traditionnel oĂč le salariĂ© est, par dĂ©finition, subordonnĂ© Ă son employeur et considĂ©rĂ© comme une marge Ă©conomique et une variable dâajustement par le marchĂ©. Il suffit dâobserver lâimpact positif des licenciements sur les marchĂ©s financiersâŠ
MĂȘme si la sĂ©curitĂ© de lâemploi a longtemps prĂ©valu sur la qualitĂ© du projet professionnel, aujourd'hui, de plus en plus de Français se laissent tenter par lâauto-entrepreneuriat et de moins en moins dâentre-eux sont attirĂ©s par la fonction publique.
En vingt ans, le nombre de candidats aux concours sâest effondrĂ©. Les jeunes estiment quâen plus dâĂȘtre mal payĂ©s, ces postes offrent peu de perspectives.
En 2012, un sondage Ipsos montrait que 73 % des jeunes ĂągĂ©s de 15 Ă 30 ans voulaient devenir fonctionnaires. La « garantie de lâemploi » Ă©tait leur premiĂšre motivation, suivie de « lâintĂ©rĂȘt des mĂ©tiers », des « conditions » et de la « durĂ©e de travail », puis de la « rĂ©munĂ©ration». Aujourdâhui, lâadministration ne fait tout simplement plus rĂȘver.
Cette tendance touche Ă©videmment en grande partie les cols blancs.
Comme lâexplique Flavie, le vrai antagonisme se situe plutĂŽt entre ceux qui peuvent exercer leur mĂ©tier de maniĂšre synchrone ou asynchrone. Les bobos essaient de plus en plus de passer du synchrone, du prĂ©sentiel, des rĂ©unions et de la bureaucratie Ă la libertĂ©, aux revenus passifs, et cherchent Ă tout prix Ă adopter le mode TRACANCES. Il ne sâagit pas seulement de travailler pendant ses vacances, mais de travailler depuis un lieu oĂč lâon a lâhabitude de passer ses vacances. La diffĂ©rence est subtile, mais elle tĂ©moigne bien de cette volontĂ© de sâaffranchir du lien de subordination, au moins spatio-temporel, quâimpose le travail traditionnel.
Lâorigine du salariat
Lâorigine du salariat est fascinante et mĂ©rite d'ĂȘtre explorĂ©e. Contrairement Ă ce que l'on pourrait penser, le salariat n'a pas toujours existĂ©. Le modĂšle que nous connaissons aujourd'hui est nĂ© avec la rĂ©volution industrielle. Cette pĂ©riode a vu l'Ă©mergence de grandes entreprises nĂ©cessitant une main-d'Ćuvre stable et contrĂŽlable. Avant cela, les gens Ă©taient gĂ©nĂ©ralement organisĂ©s autour de modĂšles salariaux familiaux, oĂč chaque famille possĂ©dait sa propre petite entreprise, fonctionnant de maniĂšre plus ou moins indĂ©pendante.
Historiquement, le travail salariĂ© a des racines dans des systĂšmes plus anciens, tels que le servage. Le servage, pratiquĂ© au Moyen Ăge, liait les travailleurs Ă la terre et Ă leurs seigneurs, offrant une forme primitive de sĂ©curitĂ© de l'emploi, mais sans la libertĂ© de choisir son employeur. Avec le temps, les transformations Ă©conomiques et sociales ont conduit Ă la libĂ©ration des serfs, et Ă l'Ă©mergence de travailleurs libres, mais ce nâest quâavec lâindustrialisation que le salariat moderne a pris forme.
La rĂ©volution industrielle a crĂ©Ă© un besoin de main-d'Ćuvre pour faire fonctionner les usines, et le salariat est devenu une solution efficace pour le patronat pour rĂ©pondre Ă ce besoin. Les employeurs pouvaient ainsi sĂ©curiser une masse salariale prĂ©cieuse et maintenir un contrĂŽle sur leurs travailleurs. Ce changement a marquĂ© le dĂ©but de lâĂšre industrielle oĂč les familles ont progressivement cessĂ© dâĂȘtre des unitĂ©s Ă©conomiques indĂ©pendantes pour devenir des unitĂ©s de consommation, dĂ©pendant des salaires versĂ©s par les entreprises.
Ce qui est particuliĂšrement intĂ©ressant, câest que les critiques de la fin du salariat viennent souvent de la Gauche. Cela peut sembler paradoxal, si on considĂšre que le salariat est la principale forme dâasservissement du capitalisme. Historiquement, cependant, la Gauche a soutenu le modĂšle dâartisanat Ă la fin des annĂ©es 60, voyant en lui une forme de libĂ©ration de l'ouvrier du joug du patronat.
Flavie dâailleurs nous conseille dâailleurs dâĂ©couter ce podcast sur le travail : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-quand-le-travail-est-a-la-peine
On y apprend que notre culture du travail a Ă©tĂ© largement façonnĂ©e par la religion et le puritanisme. Le travail Ă©tait en fait un moyen de prĂ©venir les pĂ©chĂ©s tels que lâoisivetĂ©, lâalcoolisme, et autres comportements considĂ©rĂ©s comme immoraux.
"Trouve-toi quelque chose à faire pour que le diable te trouve toujours occupé."
Pas Ă©tonnant quâavec l'Ă©volution des mentalitĂ©s et des technologies, on voit de plus en plus de personnes chercher des alternatives Ă ce modĂšle archaĂŻque, cherchant Ă retrouver une forme de libertĂ© et d'autonomie dans leur travail.
Bullshit jobsâŠ
StĂ©phane Ă©voque la âculture du non-travailâ grandissante, particuliĂšrement dans les grands groupes. Ces entreprises semblent souvent composĂ©es dâun contingent de salariĂ©s mĂ©diocres, tandis que les plus talentueux eux quittent le navire pour trouver des opportunitĂ©s ailleurs.
Le phénomÚne des "bullshit jobs" contribue à cette perception.
La gĂ©nĂ©ration X, bien ancrĂ©e dans le monde du travail, se concentre plus sur les aspects corporate que sur le mĂ©tier lui-mĂȘme. Ils passent leur temps Ă naviguer dans lâorganisation, envoyant des signaux en interne plutĂŽt que d'innover ou de produire de la valeur tangible. Souvent technologiquement obsolĂštes, ils sâappuient sur les jeunes gĂ©nĂ©rations, notamment les Z, qui, elles, peinent Ă trouver leur place dans un marchĂ© du travail saturĂ© et sous-payĂ©.
Cette situation pousse les jeunes Ă renoncer aux grands groupes, prĂ©fĂ©rant les structures plus petites ou lâindĂ©pendance totale. Cela remet en question non seulement le modĂšle salarial traditionnel mais aussi lâessence mĂȘme du travail.
Pas Ă©tonnant que les employeurs aient de plus en plus de mal Ă recruter. Depuis une centaine dâannĂ©es, ils se plaignent de ne pas trouver suffisamment de main-d'Ćuvre.
Câest dâailleurs cette pĂ©nurie chronique qui a contribuĂ© Ă la hausse constante des prix. Les entreprises doivent payer davantage pour attirer et retenir leurs travailleurs. En augmentant les salaires, elles ont Ă©galement contribuĂ© Ă l'inflation et nâont toujours pas permis Ă leurs employĂ©s de couvrir leurs dĂ©penses de base. Alors, de plus en plus se disent Ă quoi bon ?
La fin du mono-salariat : vers la polyactivité
Un autre aspect crucial de cette transformation est la fin du mono-salariat ou du salariat à 100%. Les travailleurs sont de plus en plus polyactifs, jonglant entre plusieurs emplois ou activités professionnelles.
Selon l'INSEE, prÚs de 1,4 million de Français cumulent plusieurs activités, soit par nécessité économique, soit par choix, pour diversifier leurs sources de revenus et leurs expériences professionnelles.
Devenir un salariĂ© diversifiĂ©, câest adopter une posture "anti-fragile", telle que dĂ©finie par Nassim Taleb. Ătre anti-fragile signifie bĂ©nĂ©ficier des chocs, des crises et de lâincertitude, en sortant plus fort et plus rĂ©silient. Dans le contexte professionnel, cela se traduit par la capacitĂ© Ă Ă©voluer dans des environnements instables et Ă s'adapter aux changements rapides, notamment ceux induits par les technologies et les fluctuations Ă©conomiques.
La polyactivitĂ©, comme lâĂ©voque Flavie, câest aussi rĂ©duire le risque dâobsolescence des compĂ©tences. En dĂ©veloppant diverses compĂ©tences et en explorant diffĂ©rents secteurs, les travailleurs deviennent plus polyvalents et mieux prĂ©parĂ©s Ă affronter les dĂ©fis futurs. Cette stratĂ©gie de diversification, comparable Ă celle d'un portefeuille d'investissement, offre une sĂ©curitĂ© accrue face aux crises Ă©conomiques et aux transformations du marchĂ© du travail.
En somme, la fin du salariat traditionnel ne signifie pas la fin du travail, mais plutĂŽt une reconfiguration vers des modĂšles plus flexibles et rĂ©silients, oĂč les individus ne sont plus dĂ©pendants d'un seul employeur, mais bĂątissent leur carriĂšre autour de multiples activitĂ©s et sources de revenus.
Dâailleurs, je ne peux que vous encourager Ă rejoindre le programme que propose Flavie sur le SalariĂ© DiversifiĂ© !! Elle a mis dâailleurs un code PROMO spĂ©cialement pour les auditeurs de Silicon Carne Code = HACIENDA = 100⏠de rĂ©duction soit -25%
Et l'impact de l'IA dans tout çà ?
On a presque pas parlĂ© dâintelligence artificielle dans lâĂ©mission mais il faut bien constater quâelle bouleverse le monde du travail. LâIA rationalise les processus, rĂ©duit les coĂ»ts et amĂ©liore la qualitĂ© des produits et services. Cette transformation fait peur Ă beaucoup de gens qui craignent que l'IA ne vienne leur piquer leur job et StĂ©phane pense dâailleurs que tout le monde sera impactĂ© plus vite que lâon ne le pense.
Pour ma part, je reste résolument optimiste. Historiquement, chaque fois que la productivité a augmenté, les prix ont baissé et la demande a augmenté. Et quand la demande augmente, il faut plus de monde pour y répondre !!
Lâaccroissement de la demande crĂ©e aussi de nouvelles industries et des emplois qui nâexistaient pas auparavant. Par exemple, l'essor de l'industrie automobile a boostĂ© le secteur du tourisme.
Le vrai problĂšme avec lâintelligence artificiel comme le souligne Pierre Gaubil (aka El Profesor) câest que son rythme fait quâil est de plus en plus difficile Ă lâhumain de suivre son rythme effrĂ©né⊠Une rĂ©cente Ă©tude montre dâailleurs que prĂšs de la moitiĂ© des compĂ©tences actuelles ne seront plus pertinentes dâici 2025, et 47 % des dirigeants pensent que leur Ă©quipe n'est pas prĂȘte pour le futur du travail.
Les cadres prévoient que plus de la moitié des postes de travailleurs du savoir débutants seront supprimés à cause de l'IA, qui créera de nouveaux rÎles pour les jeunes qui arrivent sur le marché du travail. De plus, 56 % des dirigeants pensent que leurs propres fonctions seront remplacées en tout ou en partie par l'IA.
Pour les nouvelles gĂ©nĂ©rations qui maĂźtrisent ces technologies, câest une opportunitĂ© en or.
Dans le mĂȘme temps dâautres voix tendent Ă minimiser lâimpact de lâIA sur la productivitĂ© gĂ©nerale. RĂ©cemment, l'Ă©conomiste du MIT, Daron Acemoglu, a estimĂ© que l'IA pourrait automatiser 4 Ă 5 % des tĂąches actuelles, bien loin des prĂ©visions plus alarmistes. Il prĂ©voit une croissance de la productivitĂ© de seulement 0,5 % sur dix ans et une croissance Ă©conomique de 1 % grĂące Ă l'IA.
En gros, l'impact de l'IA pourrait ĂȘtre bien moins important que prĂ©vu. C'est donc crucial de continuer Ă se former et de rester adaptable pour naviguer dans ce nouveau monde du travail oĂč lâIA et les humains devront cohabiter efficacement.
Dâailleurs les invitĂ©s ont tous alertĂ© de la non-acculturation Ă lâIA en France.
Flavie a expliquĂ© que parmi ses premiers clients de "SalariĂ© DiversifiĂ©", beaucoup disent : âJe nâai pas une heure par jour Ă consacrer Ă mon side business !â â ce nâest pas tenable. Il faut intĂ©grer lâIA pour travailler de maniĂšre plus intelligente, en finir avec la culture du burn-out et de lâoccupation (busyness), pour se concentrer sur son employabilitĂ©. Bref, si vous ne prenez pas une heure par jour pour vous former, vous ĂȘtes mal embarquĂ©s.
Bonne semaine Ă tous !
"Travail" đŒ + "Vacances" đïž = "TRACANCES"
Smart đ