La FrenchTech Populaire: Une Illusion de Gauche Sans Compromis
Il est temps de repenser le numérique français en trouvant un équilibre entre justice sociale et innovation, tout en préservant l'élan déjà engagé.
Suite aux résultats des dernières élections législatives, le Nouveau Front Populaire se voit déjà au pouvoir et commence à esquisser un nouveau modèle de politique. Le sénateur socialiste Rémi Cardon a notamment proposé un "manifeste de la gauche numérique" tout aussi idéologique que dangereux. Il propose de rompre définitivement avec "la Startup Nation". Je comprends l’idée. Je n’ai jamais été fan moi-même de cet épithète mal sonnant, mais il convient de faire attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain… Beaucoup de choses positives ont été entreprises ces dix dernières années, et il convient de préserver le fond tout en changeant la forme et l’esprit.
J’ai toujours été un entrepreneur de gauche
J’ai vu le numérique français grandir, trébucher, s’embourgeoiser depuis 1997. J’ai créé plusieurs startups en France et aux États-Unis et investi dans plus de 100 projets en tant que Business Angel. J’ai lutté contre mon propre camp en lançant le mouvement des Pigeons en 2012 et obtenu gain de cause…
Et même si cela m’a valu la ire de Mélenchon en son temps… Nul n’est prophète en son pays.
Bref, je me crois légitime pour proposer quelques idées qui, je l’espère, inspireront mes amis de gauche et démontreront aux autres que l’on peut construire un plan numérique pour la France tout en respectant des valeurs communes et sans tomber dans la taxation des plus riches, mais plutôt en créant de la valeur individuelle et publique et en partageant mieux les ressources.
Que signifie être de gauche ?
Pour moi, il s’agit d’adhérer à des idées qui prônent avant tout la justice sociale, l'égalité économique et une distribution équitable des ressources. Ce dernier point est crucial et mérite qu’on s’y arrête quelques instants. Une partie de la gauche radicale a confondu ressources et richesses. Trop souvent, leurs propos consistent à pointer du doigt toute forme de richesse et bien entendu à la taxer exagérément. Je ne fais pas partie de ce courant de pensée…
Je pense que la réduction des inégalités de richesse et surtout de pouvoir par des mesures collectives ou la régulation est une bonne chose, mais je suis aussi un fervent partisan d’une économie mixte où le secteur privé continue à jouer un rôle significatif.
Si l’heure est à une politique numérique de gauche pour la France alors il nous faut mettre l'accent sur l'inclusivité, la justice sociale, la protection de l’environnement, des individus, de leurs données et la mise en œuvre d’une démocratie numérique.
Mon manifeste de la “gauche” numérique
Voici neuf mesures et initiatives spécifiques qui pourraient être envisagées :
1. Accessibilité numérique pour tous
Internet pour tous : Il faut garantir un accès universel et abordable à Internet à haut débit, en particulier dans les zones rurales et défavorisées. Cela pourrait impliquer la mise en oeuvre d’un vaste réseau public de télécommunication par satellites permettant de garantir un accès à haut débit sur l’ensemble du territoire. Nous avons les talents et la technologie pour le faire !
Formation et éducation : Investir dans des programmes de formation numérique pour tous les âges afin de réduire la fracture numérique et l’illectronisme. L’éducation nationale doit mettre en oeuvre des initiatives dans les écoles, pour les enfants, les adultes et les personnes âgées. Les bons usages de l’Internet, de l’Intelligence Artificielle, des Médias Sociaux s’apprennent et il convient de les enseigner.
Internet gratuit pour les étudiants et demandeurs d'emploi : Fournir un accès gratuit à Internet pour les étudiants et les demandeurs d'emploi, financé par une taxe de solidarité sur les autres usagers. Cette mesure s'appuie sur le fait que la France bénéficie d'un accès à Internet relativement bon marché comparé à d'autres pays.
2. Services publics numériques
Digitalisation des services publics : Faciliter l'accès aux services publics grâce à des plateformes numériques conviviales et sécurisées, c’est malheureusement loin d’être le cas... Il convient d’entreprendre un immense chantier de rénovation pour permettre aux citoyens de facilement interagir avec les administrations publiques en ligne. Il faut arrêter de vouloir tout développer en interne et lancer plusieurs appels d’offres auprès d’acteurs privés français.
Promotion du logiciel libre : Favoriser le développement et l'utilisation de logiciels libres dans tous les services publics pour assurer la transparence, la sécurité et la réduction des coûts. Il convient de s’assurer que le code et la data générés dans le cadre de la digitalisation des services publics soit reversé à la communauté Open Source mondiale.
Recours à la blockchain : Utiliser la technologie blockchain pour toutes les transactions numériques afin de garantir la transparence, la sécurité et l'intégrité des données dans les services publics. Cette approche permettrait de renforcer la confiance des citoyens dans les systèmes numériques publics.
3. Protection des données, vie privée et lutte contre la discrimination et le harcèlement en ligne
Régulation stricte : Mettre en place des régulations strictes pour la protection des données personnelles et la vie privée des citoyens, avec des sanctions sévères pour les violations.
Souveraineté numérique : Promouvoir la souveraineté numérique en encourageant l'utilisation de logiciels libres et de services locaux, et en réduisant la dépendance vis-à-vis des géants technologiques étrangers.
Lutte contre la discrimination et le harcèlement en ligne : Établir un cadre juridique robuste qui sanctionne lourdement la discrimination et le harcèlement en ligne. Il faut de meilleurs mécanismes de signalement, des peines accrues pour les infractions, et un soutien aux victimes.
4. Économie numérique inclusive
Soutien aux PME et PMI : Continuer à subventionner et à offrir un soutien technique aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux petites et moyennes industries (PMI) pour les aider à adopter des technologies numériques, à moderniser leurs processus de production et à améliorer leur compétitivité.
Soutien aux startups à impact, deeptech et stratégiques : Accorder un soutien spécifique aux startups, notamment celles à impact, deeptech ou dans des secteurs stratégiques comme l’Intelligence Artificielle. Renforcer le rôle de la BPI pour financer et accompagner ces startups. Maintenir et améliorer les dispositifs de Crédit d'Impôt Recherche (CIR) et de Jeune Entreprise Innovante (JEI) pour les startups stratégiques.
Obligation de plan de BSPCE : Obliger les startups françaises ayant reçu des subventions de l'État à mettre en œuvre un plan de Bons de Souscription de Parts de Créateur d'Entreprise (BSPCE) pour leurs employés. Il est vital de partager la réussite de l'entreprise avec ceux qui y contribuent directement.
Participation de France Travail : France Travail prendra systématiquement 3,5 % d'obligations convertibles dans les projets de startups lancés par ses ayants droit qui touchent le chômage pendant le lancement de leurs projets. De plus, les ayants droit pourront s’ils le souhaite rallonger leur période d'indemnisation de 9 mois en échange de 3,5 % supplémentaires. L’idée est de faire de France Travail le premier Business Angel de France.
5. Démocratie et participation numérique
Consultations en ligne : Mettre en place des plateformes de consultation citoyenne en ligne pour permettre aux citoyens de participer activement aux processus décisionnels.
Budget participatif numérique : Utiliser des plateformes numériques pour faciliter les budgets participatifs, permettant aux citoyens d’abonder et d’investir dans des projets financés par les fonds publics. 60 % de ces investissements seront déductibles des impôts, encourageant ainsi une participation citoyenne accrue et un engagement direct dans le développement de projets communautaires.
Vote en ligne pour les grandes échéances électorales : Mener un chantier ambitieux pour la mise en place du vote en ligne lors des grandes échéances électorales, avec pour objectif d'augmenter le taux de participation. Cette initiative doit garantir la sécurité et la transparence des processus électoraux tout en facilitant l'accès au vote pour tous les citoyens.
6. Éthique et responsabilité numérique
IA éthique : Promouvoir des principes éthiques dans le développement et l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA), garantissant que ces technologies respectent les droits humains et sont utilisées pour le bien commun.
Transparence algorithmique : Exiger la transparence des algorithmes utilisés par les entreprises et les administrations publiques pour assurer qu'ils ne reproduisent pas ou n'amplifient pas les biais et les discriminations.
Renforcement du CNNum et collaboration avec France Digitale : Renforcer la mission du Conseil National du Numérique (CNNum) pour qu'il joue un rôle central dans l'élaboration des politiques numériques. Collaborer étroitement avec France Digitale pour créer et maintenir un observatoire des enjeux digitaux, assurant une veille stratégique sur les tendances, les opportunités et les défis du numérique.
7. Infrastructure et sécurité numérique
Infrastructure résiliente : Investir dans des infrastructures numériques robustes et résilientes pour protéger contre les cyberattaques et assurer la continuité des services en cas de crise.
Cyber-sécurité pour tous : Développer des programmes de sensibilisation et de formation à la cybersécurité pour tous les citoyens afin de les protéger contre les menaces en ligne.
Cloud européen souverain : Mettre en œuvre un chantier pour développer un cloud européen souverain en collaboration avec des acteurs locaux, garantissant la sécurité, la souveraineté et l'indépendance des données européennes.
8. Création et attraction de talents
Assouplissement des visas : Mettre en place un modèle qui facilite l'obtention de visas pour les talents étrangers qualifiés, afin d'attirer des compétences précieuses et de renforcer l'innovation en France.
Retour sur investissement éducatif : Obliger les étudiants ayant été formés dans des universités ou des écoles publiques à travailler en France pendant au moins 3 ans ou à rembourser une partie des frais de scolarité. Cela garantira un retour sur l'investissement éducatif public.
Bourses pour études à l'étranger : Encourager les hauts potentiels à étudier à l'étranger avec des bourses, à condition qu'ils reviennent en France pour développer leurs startups ou rejoindre des entrepises françaises. Cela renforcera les compétences globales et le développement local.
9. Impact Nation
Soutien aux startups vertes et sociales : Mettre en œuvre un grand plan de développement pour les startups ayant un impact écologique et social positif, avec des subventions, des incubateurs spécialisés, et un soutien financier accru.
Grands chantiers deeptech : Lancer de grands chantiers dans les domaines de l'IA, de l’informatique quantique, de la Spacetech et des infrastructures cloud pour positionner la France comme un leader mondial dans ces secteurs stratégiques. Cela inclurait des financements pour la recherche, le développement et la commercialisation.
Incitations fiscales pour les entreprises à impact : Introduire des incitations fiscales supplémentaires pour les actionnaires d’entreprises qui démontrent un impact significatif sur l'écologie et le social. Cela inclut des réductions d'impôts, des crédits d'impôt pour les investissements verts et sociaux, et des déductions pour les dépenses en R&D dans ces domaines.
Je pense fondamentalement que ces mesures reflètent les valeurs de gauche comme de droite et constitue un socle indispensable pour réconcilier la Nation avec le progrès technologique. La France a besoin de plus de justice sociale, d’égalité, de solidarité et d’une démocratie plus participative. En rendant le numérique accessible à tous, en soutenant les PME et les startups, et en promouvant une utilisation éthique des technologies, on peut bâtir une société plus équitable où chacun a sa chance.
On a du pain sur la planche, c'est sûr. Mais c'est une aventure collective. On a besoin de tout le monde, citoyens, entrepreneurs, investisseurs, chercheurs et tous les acteurs de la société civile. Nos idées, nos réactions et notre engagement sont essentiels pour qu'on réussisse ensemble à créer un futur numérique inclusif et durable. Plus que jamais les politiques doivent sortir de leurs alcôves et nous entendre.
Je ne fais que jeter ici quelques idées, je n’ai absolument aucun agenda politique, juste la volonté de partager mes réflexions et peut-être engager un mouvement plus vaste qui dépasse les parties et les idéologies. Ensemble, on peut faire du numérique un vrai moteur de transformation sociale au service de tous.